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Afro ! le manifeste qui libère les cheveux crépus, souffrance, rébellions

Afro ! le manifeste qui libère les cheveux crépus

Souffrance, rébellion, affirmation de soi-même, dans Afro ! (1) 110 femmes et hommes de tous âges témoignent de leur histoire intime avec leur chevelure. Au-delà du mouvement « nappy » (natural happy), ce manifeste esthético-politique écrit par Rokhaya Diallo, donne la parole à une génération décomplexée, qui entend bien se réapproprier ses propres critères de beauté.


« Avec ce livre, je voulais donner la parole à celles et ceux qui ont choisi de garder leur chevelure naturelle et comprendre le processus qui les a poussés à prendre cette décision », explique Rokhaya Diallo, 36 ans, qui porte l’afro depuis une dizaine d’années. Célèbres ou anonymes, professeurs, comptables, collégiens, chanteurs, ministres ou fonctionnaires, la galerie de portraits composée par la journaliste et par la photographe Brigitte Sombié, interroge l’identité des Français afro-descendants, ultra-marins ou d’origine maghrébine.

Chroniqueuse télé et radio, auteure, réalisatrice, Rokhaya Diallo est une figure incontournable des causes anti-racistes et féministes. Pour autant, Afro ! ne se réduit pas à un manifeste politique. « Ce projet est avant tout esthétique. Si j’avais voulu faire un ouvrage politique, je n’aurais pas fait appel à une photographe, je n’aurais pas fait le choix des portraits. Je tenais aussi à faire de Paris un personnage central de ce projet et la quasi-totalité des photos ont été prises intra-muros. Je voulais donner une image plus cosmopolite de Paris », ajoute la journaliste.

Pays pluriel, la France compte pourtant encore des espaces hermétiques aux minorités, comme le rappelle Rokhaya Diallo en préface de son livre. « Comment prétendre considérer légitime la place des personnes noires et d’origine maghrébine, si celles-ci intériorisent un interdit, selon lequel on ne tolère pas leurs cheveux dans tous les espaces ? » Si le cheveu afro n’est plus un tabou, il n'en demeure pas moins un point de cristallisation d’enjeux sociologiques et politiques mais aussi plus intimes, comme le révèle la comédienne et réalisatrice Amandine Gay, dans son témoignage : « Au sein de ma famille blanche, ce n’est plus vraiment un sujet. Mais j’ai dû conquérir tout ce qui a trait à ma négritude, car mon histoire d’enfant adoptée fait que je suis socialement blanche. D’ailleurs, mon grand-père peut ne pas se gêner pour tenir des propos racistes pendant un repas de famille. »

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Tous défrisés... même Malcom X

Nés en France, en Outre-Mer, en Afrique ou au Maghreb, dans Afro ! chacun évoque à sa manière, les épreuves endurées avant le jour du big chop - le jour J où l’on décide de tout couper afin de laisser repousser les cheveux naturellement. À la soude ou au fer, avec des produits maisons ou frelatés, rares sont les têtes noires qui n’ont pas connu cette souffrance… même celle de Malcom X ! Reprenant un extrait de l’autobiographie du célèbre militant noir-américain, Afro ! révèle la scène du premier défrisage du jeune Malcom Little. Une première séance de torture, qui sera pourtant suivie par beaucoup d’autres.

Plus proche de nous, la chanteuse Imany raconte son premier défrisage à l’âge de 15 ans et comment son travail de mannequin l’a poussé à faire ce choix. « Pour les Noires, les options sont soit une belle afro genre la pub Dop, soit un tissage, soit les cheveux défrisés, ou la tête rasée pour les beautés africaines de l’Est. J’ai donc continué le défrisage. J’ai fait pas mal de campagnes pour des défrisants qui m’ont bousillé la tête. Mes cheveux ne poussaient plus, j’étais désespérée. » Depuis son retour au naturel, la chanteuse reconnaissable à son turban, défend aussi la liberté de choix de chacun. Une liberté que défend également Rokhaya Diallo. « Ce livre n’est pas anti-défrisage, anti-perruque ou anti extensions, chacun est libre de faire ce qu’il veut de ses cheveux. Il montre avant tout, des gens beaux avec des coiffures naturelles et inscrit le choix de l’afro dans le paysage visuel. »

Défrisage, extensions, tissages, perruques ou naturelle, les expériences capillaires de chacun des personnages de cette galerie, parlent surtout d’héritage et de transmission familiale. Pour Rokhaya Diallo, « le regard de la famille est extrêmement normatif. Par exemple, Fella Imalhayene parle de transmission ratée entre elle et sa mère, qui a toujours voulu dompter ses cheveux. Fella a fini par se rebeller. En fait, par la coiffure, les mamans tentent de protéger leurs enfants d’un regard social dégradant. Mais en réalité, en faisant cela elles leur transmettent des complexes. Et puis il y a le poids des traditions. Dans les cultures africaines, aux Antilles ou au Maghreb, les cheveux crépus ou frisés ne sont pas perçus comme coiffés. » Si de nombreuses familles traditionnelles restent réticentes par rapport aux chevelures frisées ou crépues, en revanche les familles composées de couples mixtes semblent plus ouvertes sur le sujet. La plupart en font même une fierté. « La plupart des parents blancs ne comprennent pas que l’on puisse s’infliger ce genre de souffrances. En tous cas, ils ne le souhaitent pas pour leurs enfants », expliquent Rokhaya Diallo.


Nappy… mais pas que

En interrogeant les motivations et les expériences de chacun des 110 intervenants du livre, l’auteure fait aussi apparaître les différences de perception entre les générations. De la petite DJ de 10 ans à l’intellectuel de 79 ans en passant par les jeunes actifs ou les lycéennes, tous sont nappy. Pour autant, tous ne se reconnaissent pas dans ce phénomène venu des États-Unis et beaucoup lui reprochent son caractère sectaire. Pour illustrer ce clivage, Rokhaya Diallo reprend un extrait du spectacle Moi et mon cheveu, cabaret capillaire d' Eva Doumbia, dans lequel un personnage s’en prend ouvertement à celles qu’il surnomme « nappex », ces extrémistes du nappy. Avec humour, le texte envoie quelques piques et rappelle que la chevelure ne confère pas aux pro nappy « une espèce de pouvoir qui vous donne un statut à part. Vous n’êtes qu’une jeune fille qui a la coupe de cheveux un peu plus imposante que sa voisine de gauche, c’est tout. »

Pour la journaliste, « le nappy est davatange un mouvement social au même titre que le bio. Ça ne veut pas dire que toutes les filles qui portent les cheveux courts crépus ou en afro revendiquent quelque chose. Mais on ne peut pas nier que l'on croise de plus en plus de filles et de garçons qui ont les cheveux naturels. Lors du festival Afropunk qui s’est tenu à Paris en juin dernier, le spectacle se trouvait autant dans la salle que sur scène. Il y avait dans le public une variété de styles et une inventivité en matière de coiffures qui était incroyable. En fait, toute cette génération prouve que l’on peut être créatif avec une nature de cheveux réputée difficile à coiffer. Dans les années 1980, on était dans l’imitation des coiffures portées par les Blancs, maintenant on crée son style sans avoir à se dénaturer. » Phénomène générationnel et émergence de critères de beauté plus métissés, le mouvement nappy reflète surtout une réalité sociétale. Pour Bilguissa Diallo, créatrice de la marque de cosmétiques Nappy Queen, « ce n'est pas un hasard si le mouvement nappy émerge maintenant. Si on considère le contexte politique, cela intervient exactement à la période où nous, jeunes Noirs, cessons de demander la permission d'être là. »

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Pour retrouver l'article original: http://madame.lefigaro.fr/beaute/crepus-frises-boucles-quand-les-afropeens-parlent-de-leurs-cheveux-101115-109587

Un très grand merci à Madame Figaro pour cet article et pour avoir mis en avant cette problématique. Un remerciement tout particulier à Rokhaya Diallo pour ce beau travail et son engagement de manière générale.  L'équipe Nappy Queen est derrière toi.

Nappy Queen Team

dimanche 23 octobre 2016
4. Articles
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